Sanction du Projet de loi n°141 : Des modifications importantes en matière de courtage
Le Projet de loi n°141 (ci-après, le « P.L. 141 ») – projet de loi omnibus déposé par le ministre des Finances du Québec le 5 octobre 2017 dernier – met la table pour un changement important du cadre législatif régissant le secteur financier et, par la même occasion, crée une petite révolution en matière de courtage locatif.
À la suite de nombreuses consultations publiques, le P.L. 141 a finalement été adopté et sanctionné le 13 juin 2018. Il apporte des modifications substantielles à plus d'une dizaine de lois régissant le secteur financier québécois, dont la Loi sur le courtage immobilier (ci-après, la « Loi sur le courtage » ou la « Loi »), notamment quant à son champ d’application; les dispositions de la Loi sur le courtage qui sont modifiées par le P.L. 141 sont entrées en vigueur le 13 juillet 2018.
Le P.L. 141 modifie la Loi sur le courtage afin, notamment, de:
- définir ce qu’est un contrat de courtage immobilier;
- modifier le cadre légal imposé à un contrat de courtage immobilier visant la location d’un immeuble; et
- transférer la surveillance et le contrôle du courtage hypothécaire à l'Autorité des marchés financiers.
La définition du contrat de courtage immobilier
Le P.L. 141 introduit dans la Loi sur le courtage, à son nouvel article premier, une définition du contrat de courtage immobilier. Il s’agit du « contrat par lequel une partie, le client, en vue de conclure une entente visant la vente ou la location d’un immeuble, charge l’autre partie d’être son intermédiaire pour agir auprès des personnes qui pourraient s’y intéresser et, éventuellement, faire s’accorder les volontés du client et celles d’un acheteur, d’un promettant-acheteur ou d’un promettant-locataire ».
Un texte analogue est introduit pour l’achat ou la location d’un immeuble pour « faire s’accorder les volontés du client et celles d’un vendeur, d’un promettant-vendeur ou d’un promettant-locateur ».
De plus, le P.L. 141 ajoute un nouvel article 1.1 à Loi sur le courtage, lequel précise que pour l’application de l’article 1, est assimilé à un immeuble :
- la promesse de vente d’un immeuble;
- une entreprise, lorsque ses biens, selon leur valeur marchande, sont principalement des biens immeubles; et
- une maison mobile placée sur un châssis, qu’elle ait ou non une fondation permanente.
De plus, un échange est assimilé à une vente.
D’autre part, comme il était prévu dans l’ancienne version de la Loi sur le courtage, un contrat par lequel l’intermédiaire s’oblige sans rétribution n’est pas un contrat de courtage immobilier au sens de la Loi.
Contrat de courtage immobilier visant la location d’un immeuble
Les normes encadrant l’obligation ou non de posséder un permis ou une autorisation spéciale de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (ci-après, l’« OACIQ ») ont également été modifiées, et de façon importante.
En effet, selon le nouvel article 2 de la Loi sur le courtage, nul (à l’exception des personnes expressément mentionnées au nouvel article 3), « ne peut être l’intermédiaire partie à un contrat de courtage immobilier visant la vente ou l’achat d’un immeuble », à moins de détenir un permis de courtier ou d’agence ou une autorisation spéciale délivrée par l’OACIQ, sauf lorsque l’immeuble est une maison mobile placée sur un châssis, qu’elle ait ou non une fondation permanente.
Cette modification implique donc qu’un intermédiaire à un contrat de courtage immobilier visant la location – et non la vente ou l’achat – d’un immeuble n’est pas soumis à l’obligation d’être titulaire d’un permis ou d’une autorisation spéciale de l’OACIQ, ce qui constitue évidemment un changement majeur par rapport à la version antérieure de la Loi sur le courtage.
Toutefois, deux précisions sont importantes :
- les titulaires d’un permis émis en vertu de la Loi sur le courtage restent tenus de respecter leurs obligations en vertu de cette Loi, lorsqu’ils effectuent une transaction de location;
- les personnes qui ne détiennent pas de permis peuvent effectuer une transaction de courtage locatif, mais ne peuvent utiliser un titre qui laisse croire qu’ils sont courtiers immobiliers, puisque seuls ceux qui détiennent un permis en vertu de la Loi sur le courtage peuvent utiliser le titre de courtier immobilier ou d’agence immobilière.
La liste des personnes qui ne sont pas soumises à l’obligation de détenir un permis à l’égard d’une opération de courtage, prévue au nouvel article 3, a également été réduite considérant que les courtiers hypothécaires ne sont plus soumis à la Loi, et considérant aussi les modifications apportées au cadre entourant le contrat de courtage immobilier visant une transaction de location.
Par exemple, ne sont pas tenus de détenir un permis (à moins de prendre un titre dont la Loi réserve l’utilisation):
- un avocat, un notaire, un liquidateur, un séquestre, un syndic ou un fiduciaire, pourvu que le contrat soit conclu dans l’exercice de ses fonctions; et
- un administrateur agréé, pourvu que le contrat soit conclu accessoirement à l’exercice de ses fonctions de gestion d’immeuble et qu’il ne n’agisse pas d’un contrat de courtage immobilier relatif à l’achat, la vente, la location ou l’échange d’une partie ou de l’ensemble d’un immeuble principalement résidentiel de moins de cinq logements, ou d’une fraction d’un immeuble principalement résidentiel qui fait l’objet d’une convention d’indivision ou de copropriété divise (condo).
Le courtage hypothécaire n’est plus visé par la loi
La Loi sur le courtage initie un autre changement important concernant la réglementation du courtage hypothécaire: le pouvoir de réglementation et de surveillance du courtage hypothécaire ne sera plus exercé par l’OACIQ en vertu de la Loi sur le courtage immobilier. En effet, les hypothèques sont dorénavant considérées comme des « produits financiers » et donc, régies par la Loi sur la distribution de produits et services financiers. Conséquemment, ce sera l'Autorité des marchés financiers qui assurera la formation et le contrôle de la profession des courtiers hypothécaires, et ce, à compter du 1er mai 2020.
Voilà donc des modifications importantes qui sauront intéresser, plus particulièrement, les courtiers et autres personnes qui font de la location immobilière, et les courtiers hypothécaires.
Catherine Dion-Cliche
Cain Lamarre
Stagiaire en droit
Me René Gauthier
Cain Lamarre
Avocat associé