La désinfection excessive remise en question

Depuis le début de la pandémie, il est devenu de plus en plus clair que le mode de transmission du coronavirus n'était pas celui qui était considéré au départ. En effet, initialement, nous pensions que le coronavirus se transmettait principalement par les surfaces comme pour le rhume, la grippe ou la gastroentérite et qu’une désinfection intensive était de rigueur.  Depuis plus d'un an que ce virus est étudié et à ce jour, aucune publication scientifique ne met en évidence la propagation du coronavirus par les objets, c'est-à-dire qu'aucune éclosion n’a été rapportée comme ayant débutée à partir d’un objet commun contaminé.  Les experts s'entendent toutefois pour rappeler qu’il existe toujours une possibilité de transmission par les surfaces.  Certes, le coronavirus est capable de survivre plusieurs jours sur les surfaces, mais ceci ne veut pas dire qu'il est toujours contagieux. Survivre et être capable de contaminer sont deux habiletés totalement distinctes pour un virus.  Techniquement, il semble que ce soit difficile de démontrer la contagiosité d'un virus enveloppé sur une surface.  

Il est admis aujourd'hui que le coronavirus se transmet davantage par gouttelettes, quelle que soit leur taille, lorsque l'on se trouve à proximité d'une personne et que l'on n'est pas protégé par un masque.  La possibilité de transmission par les plus petites gouttelettes, les aérosols, a été également été reconnue notamment dans les lieux bondés et mal ventilés en présence de personnes contagieuses.

Alors vous vous demandez pourquoi continuons-nous à désinfecter aussi intensément qu'au début de la pandémie ? 

En effet, plusieurs experts ont dénoncé la désinfection excessive et s’entendent pour affirmer qu’un bon nettoyage est préférable à une désinfection inutile.  Cela ne signifie pas qu’il faut cesser la désinfection !  Cela signifie surtout que nous devons continuer de bien nettoyer et désinfecter lorsque c'est nécessaire.  Plutôt que d’augmenter les ressources matérielles et humaines à des tâches additionnelles de désinfection, il est préférable de réaffirmer l’importance des gestes barrières de base, de bien cibler les endroits où la désinfection est réellement nécessaire en raison d’un risque plus élevé et d’utiliser vos ressources pour effectuer un nettoyage approfondi. Depuis le début de la pandémie, les accidents en lien avec la désinfection sont fréquents, car l'exposition à des produits chimiques est beaucoup plus intense qu'avant. Les études suggèrent que cette exposition aux produits chimiques désinfectants augmenterait aussi les symptômes d'asthme chez les gens sensibles.  Les appels dans les centres antipoison concernant les intoxications aux produits désinfectants sont plus importants qu'avant la pandémie. 

Sachez qu’à ce jour, il s'avère toujours nécessaire de désinfecter nos surfaces pour plusieurs raisons.  La première est sans contredit pour limiter la transmission des autres infections. En diminuant les autres infections communes telles que le rhume, la grippe et la gastro-entérite ou toutes sortes d'autres infections respiratoires par la désinfection des surfaces, nous limitons grandement les erreurs de diagnostic.  Avez-vous remarqué qu'il y a très peu de gens malades cette année ?  Pas trop de nez qui coulent et peu de gens qui ont la gastro-entérite ? La désinfection n'est pas étrangère à ce succès pour éliminer ou diminuer le nombre d'infections chez les personnes.  Or, s'il est une utilité incontestable de la désinfection, c'est celle de maintenir les autres infections à un niveau très bas pour détecter beaucoup plus facilement les personnes qui sont réellement atteintes de la COVID-19. Il est bien évident que la mise en scène quasi théâtrale de la désinfection a pour effet de rassurer les utilisateurs de vos immeubles et prouver à l’ensemble de vos locataires que vous vous occupez de leur santé.  En revanche, en faire trop vous coûtera une fortune et diminuera probablement la qualité de l’air intérieur.

Qu’est-ce qu’une désinfection excessive ?

Commençons par énumérer quelques indices d’une mauvaise désinfection :

  • L’utilisation de produits trop puissants pour le germe à éliminer.
  • La fréquence de désinfection qui est supérieure au réel besoin de désinfection.
  • La quantité de produit désinfectant utilisée qui est supérieure aux recommandations du fabricant pour le temps de contact suggéré.
  • L’étape de nettoyage précédant l’étape de désinfection qui est abandonnée.
  • Les surfaces qui commencent à laisser voir des traces de détérioration.
  • Le fait de miser uniquement sur la désinfection pour prévenir la COVID-19.

Ces mauvaises pratiques laissent présager une méconnaissance flagrante des règles de base en entretien sanitaire.  Par manque de connaissance et de compréhension, plusieurs personnes agissent par imitation, se contentant de reproduire ce qui se fait ailleurs !  Il s’agit là d’une grave erreur, car sur le plan du nettoyage et de désinfection, ce qui définit réellement les procédures et les fréquences c’est d’abord et avant tout l’analyse des risques inhérents à votre environnement.  Chaque espace est différent et chaque environnement requiert des besoins spécifiques.  La désinfection est seulement efficace lorsqu’elle est bien effectuée et qu’elle est justifiée par une analyse des risques en lien avec l’environnement.

Il peut être dangereux de désinfecter des surfaces inutilement ou de manière incorrecte.   Tout d’abord, en appliquant des produits désinfectants répétitivement, on augmente la résistance des microorganismes aux antimicrobiens, un phénomène qui pose déjà un gros problème dans le monde pharmaceutique avec les antibiotiques.   Nous risquons de créer des bactéries plus puissantes, car les microbes les plus faibles meurent et ce sont les plus virulents qui survivent et se multiplient, générant ainsi une population plus forte et plus résistante que la précédente.

Évidemment, à l’heure où des mesures exceptionnelles doivent être mises en place et maintenues il est fortement recommandé de s’adresser à des professionnels qui pourront vous aider à faire l’évaluation de vos besoins réels de désinfection ainsi que la validation de vos méthodes. 

Nathalie Thibault
Microbiologiste agréée et directrice de la formation
ValkarTech

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