Nettoyer pour la santé est une phrase très riche de sens. C’est la devise de l’ACI (The American Cleaning Institute) qui partage ce message depuis plusieurs décennies. Ce même message est aussi relayé par l’ISSA et sa division du GBAC (Global Biorisk Advisory Council). Mais est-il possible de nettoyer contre la santé? Absolument!
Nous intervenons régulièrement dans des immeubles pour valider la qualité de l’entretien sanitaire et que nous y retrouvons des techniques qui favorisent en fait la contamination croisée. Les surfaces semblent propres visuellement, mais elles sont tout de même contaminées. Nous sommes régulièrement témoins de mauvaises pratiques sur le terrain, faites par des gens bien intentionnés, mais qui désinfectent en utilisant le même linge toute la journée. C’est une très mauvaise pratique qui demeure néanmoins très répandue.
Quand la désinfection est mal exécutée, cela peut donner un faux sentiment de sécurité et contribuer à un relâchement des premiers gestes de protection, soit le lavage des mains, la distanciation physique et le port du couvre-visage. Depuis le début de la pandémie, les habitudes de nettoyage ont changé et la désinfection des surfaces est maintenant faite de façon presque systématique. Parfois, ce n’est pas tant parce que c’est nécessaire, mais surtout parce que c’est rassurant. Cette étape qui suit habituellement le nettoyage ne doit pas être prise à la légère. Vos bonnes intentions pourraient se retourner contre vous.
J’ai personnellement vécu une expérience troublante dans un temps pas si lointain où il était encore possible de circuler librement en public sans avoir peur de toussoter un peu ou d’éternuer les pollens du printemps. Je suis dans une salle de toilettes et alors que mon œil de formatrice et d’auditrice aguerrie fait constamment des audits, je réalise que la pièce est d’une propreté impeccable. C’est même surprenant, je n’y décèle aucune non-conformité. C’est très rare. En sortant de la salle de toilettes, j’y croise la dame qui vient faire son entretien quotidien. Elle a en sa possession 2 linges, une bouteille de produit nettoyant et des gants. Je remarque qu’elle utilise un linge pour boucher le drain de l’évier, elle y verse du produit et fait couler de l’eau chaude. Elle y trempe son 2e linge, le tord et va nettoyer la première toilette, le trempe à nouveau, le tord et va nettoyer la deuxième toilette et ainsi de suite pour les huit toilettes. J’étais estomaquée ! C’est visuellement très propre dans cette salle de toilettes, mais de toute évidence elle est très contaminée sans que cela ne soit visible.
Cet exemple illustre très bien les dangers de se fier uniquement à l’inspection visuelle. Et vous, vos toilettes sont-elles nettoyées de cette façon ? Savez-vous comment elles sont nettoyées ? Tout est dans la technique et seuls la formation de base et le perfectionnement continu peuvent vous assurer de la qualité des techniques. En ce moment, l’urgence force les gens à réagir. Tout le monde veut faire mieux et le faire plus vite que son voisin ou que son compétiteur. On souhaite améliorer les pratiques, on ajoute une étape de désinfection aux tâches de nettoyage, on augmente les fréquences de nettoyage-désinfection, on change les produits, on change les outils, on investit dans des appareils sophistiqués de désinfection (brumisateurs, pulvérisateurs électrostatiques, etc.). A priori, vous êtes-vous seulement demandé si ce qui était fait à la base était bien fait ?
En janvier dernier, j’ai eu la chance de suivre une formation de l’IEHA (Indoor Environmental Healthcare and Hospitality Association) et de devenir Certified Environmental Service Specialist. Dans cette formation, ils expliquaient très clairement qu’il n’y a qu’une seule façon de nettoyer : nettoyer pour la santé !
Nettoyer pour l’apparence ou simplement la propreté visuelle et nettoyer pour la santé sont deux actions très différentes.
Quand on nettoie pour la santé, la qualité de la propreté ne peut pas être évaluée par une simple inspection visuelle ni se limiter à vérifier si la liste de tâches a été dûment remplie.
Lorsque vous nettoyez uniquement pour l’apparence visuelle :
- La technique de nettoyage importe peu, c’est le résultat visuel qui compte.
- Pourquoi nettoyer ce qui est déjà visuellement propre ? Vous avez à votre service des vérificateurs de propreté plutôt que des préposés à l’entretien sanitaire. Par exemple : le préposé ouvre la porte de la salle de toilettes, vérifie visuellement si tout est propre et ressort sans avoir nettoyé tout ce qui est sur la liste, mais y appose quand même sa signature puisqu’il a vérifié.Ce n’est pas parce que le siège d’une toilette semble propre qu’il n’y a pas de germes dessus, les germes sont invisibles.
- Vos audits en fluorescence ou ATP donnent des résultats désastreux, mais vos audits visuels sont bons.
- Nettoyer avec des outils sales importe peu pourvu que le résultat semble propre et qu’il règne une bonne odeur de propreté dans la pièce.
Voici quelques éléments qui doivent être priorisés lorsque vous nettoyez pour la santé :
- À la base, il faut utiliser des outils propres, entreposés dans un endroit propre.
- Vous enlevez la saleté et les souillures qui contiennent des germes ou en favorisent la prolifération, vous ne faites pas quela disperser et la déplacer. Vous devez la retirer.
- La technique compte tout autant que le résultat visuel. Vous devez éliminer toute technique qui favorise la contamination croisée.
- Vous devez utiliser les produits chimiques les moins nocifs et les plus écologiques possibles, et le faire seulement lorsque c’est nécessaire pour maintenir une bonne qualité de l’air.
- Vous devez vous fier à des audits de qualité qui mesurent le niveau de souillure organique telle que l’ATP ou autres méthodes.
Bref, nettoyer pour la santé relève de techniques acquises par une formation professionnelle. Pensez à offrir une formation adaptée à vos équipes d’entretien ménager. Leur rôle a toujours été significatif, mais maintenant qu’il est mis en lumière, les préposés doivent comprendre la portée de leurs actions et les raisons des changements de pratiques s’il y a lieu. Cessez d’observer les résultats et attardez-vous plutôt aux techniques et au matériel utilisé, ne tenez rien pour acquis et faites vérifier vos procédures par des spécialistes.
Nathalie Thibault
Microbiologiste agréée et directrice de la formation
ValkarTech