Depuis quelques années, lorsque la demande en eau est faible (généralement entre 22h00 et 5h00), plusieurs municipalités, dont la Ville de Montréal, réduisent la pression d’eau à la sortie de leurs usines de production et de leurs stations de pompage. Cet ajustement vise principalement deux objectifs :
- réduire les fuites et le gaspillage d’eau associé à un réseau d’aqueduc en mauvais état; et
- réduire les contraintes dans les tuyaux pour diminuer la fréquence des bris.
À cet effet, le 15 octobre 2019, le Service de sécurité incendie de Montréal (SIM) a émis un avis par l’entremise du chapitre québécois de la Société d’ingénierie de sécurité incendie (SFPE) visant à :
- mettre en garde les concepteurs de nouveaux systèmes de gicleurs automatiques et de canalisations d’incendie afin d’inclure un facteur de sécurité additionnel se situant entre 10% et 20% lors de leurs calculs hydrauliques (à déterminer au cas par cas avec la Ville de Montréal); et
- informer les propriétaires que le niveau de performance de leur système existant devrait être vérifié, puisque cette réduction de pression pourrait engendrer des travaux afin de maintenir le niveau de performance requis.
Le mémo du SIM stipule ceci : « À cet égard, le présent avis a pour objectif d'informer les propriétaires d'immeubles, ainsi que les concepteurs, entrepreneurs, installateurs, inspecteurs, assureurs et autres personnes impliquées, des variations possibles dans l’approvisionnement en eau. »
Il indique par ailleurs « qu’il est recommandé de procéder à une évaluation approfondie et d'apporter des modifications aux systèmes si cela s'avère nécessaire. »
Il faut savoir que la norme NFPA 13 (conception des gicleurs) n’a jamais exigé un facteur de sécurité pour compenser des baisses de pression d’aqueduc. Il est donc probable que plusieurs systèmes de gicleurs automatiques existants (avant 2019) n’offriront plus le niveau de performance requis advenant une baisse de la pression dans l’aqueduc.
Nous considérons que tout système de gicleurs automatiques existant devrait être évalué. Leurs performances devront prendre en compte la pression résiduelle minimalement disponible et le facteur de sécurité imposé par le SIM.
Deux éléments sont nécessaires afin de vérifier le niveau de performance d’un système de protection incendie existant soit :
- la performance de la source d’eau (débit et pression résiduelle); et
- les caractéristiques du système de gicleurs (plans détaillés du système et usage des locaux).
Un essai d’écoulement hydraulique permet de recueillir des données sur la pression statique, la pression résiduelle et le débit disponible. Cet essai est réalisé aux bornes d’incendie situées près de l’entrée d’eau du bâtiment. Il est recommandé de se référer à la norme NFPA 291 : Recommended Practice for Fire Flow Testing and Marking of Hydrants pour la réalisation de ces essais.
Figure 1. Essai d’écoulement sur borne d’incendie (source : https://mnfireinitiative.com)
Avec ces informations, un ingénieur compétent dans le domaine de la protection incendie pourra réaliser plusieurs calculs hydrauliques. Ceux-ci serviront à vérifier le respect des critères de performance requis (ex. densité d’application d’eau) en fonction de l’usage des divers locaux d’un bâtiment.
Lorsque les calculs établissent que la pression est insuffisante, l’installation d’une pompe d’incendie ou la modification d’une pompe existante peut être requise. Typiquement, une pompe d’incendie électrique requiert aussi un groupe électrogène comme source d’alimentation électrique de secours.
Figure 2. Pompe incendie (source : https://hgi-fire.com)
En conclusion, la modulation de la pression d’eau dans l’aqueduc impose une validation de l’ensemble des bâtiments protégés par gicleurs.
Dans plusieurs cas, des travaux seront requis pour conserver le niveau de performance minimal requis. Ces travaux peuvent impliquer l’ajout ou la modification d’une pompe incendie ou d’un groupe électrogène. En plus des coûts associés à ces équipements, les bâtiments existants n’ont pas nécessairement d’espace pour les implanter, d’où l’importance d’y voir et de planifier ce processus.
Frédéric Lévesque, ing.
Chef d’expertise | codes et normes – sécurité incendie
Technorm
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flevesque@technorm.qc.ca